(Paroles, musiques et arrangements: J.Giller)
1 la tête aux murs On pourrait continuer à rêver d’autres aventures. Continuer à vivre les yeux fermés. A ignorer les blessures. Mais pourtant à la nuit tombée à la lueur des phares l’envie soudaine de s’en aller. S’en remettre au hasard. Pour partir à l’inconnu et traverser les routes noires. Boire à s’en soûler. Boire à s’en brûler l’âme. Faire payer sa dette à la nuit. Ce qu’elle nous a promis. Aller voler des voitures et puis ne plus jamais s’endormir. Oh assez de sentiments bons. Renverser les avions. Donnez-moi du diable et les cornes des démons. Pulls marines en laine le froid dans nos vestes et le vent. La pluie qui s’abat sur toi. L’horizon droit devant. Un jeans usé pour porte-bonheur. Faire briller l’arrogance. La paix dans l’âme et le cœur qui bat la cadence. La tête la première refuser que tout s’achète. Mettre nos peaux aux enchères et nos cœurs au net. Abonnés aux abandons aller brûler nos dernières chances. Malgré le froid la sueur au front fait briller notre arrogance. Fou à lier. Balancer les armures. Se cogner la tête aux murs. Donnez-moi du diable et les cornes des démons. Bientôt on n’en pourra plus. Reste encore d’autres routes. Toujours garder un peu plus les mêmes ombres les mêmes doutes. Qui mettent le cœur en larmes et le brisent au passage. Qui donnent envie des flammes et donnent envie de n’être pas sage.
2 sur les traces de capdevielle On avait bien regardé le jour qui s’en allait. On voulait s’approcher un peu plus des falaises. Il y avait qu’ça pour nous. On avait bien maudit les voiles qui partaient, on leur jetait des sorts, toujours plus seuls depuis l’quai, il y avait qu’ça en nous. Alors quand elles sont venues nous bouffer de tendresse, qu’elles demandaient qu’on les emmène loin de l’Hôtel de la Détresse, on avait le regard un peu vide parfois. On pleurait même un peu quand ça s’voyait pas. Mais nous, on y a cru, on a cru voir le ciel et les anges de la rue, descendues sur notre terre pour nous prendre dans leurs bras. Elles avaient dans les yeux des couleurs et les jambes aussi belles que des voiles qui se tendent au soleil. Encore, on en demandait encore, ça nous rendait fou. On allait faire l’amour sur les vieilles tombes en pierre et parfois au matin en s’réveillant dans l’ cimetière parmi les morts on se sentait un peu chez nous. Nos baraques s’effritaient et tombaient en lambeaux comme nos bonnes volontés et la peau sur nos os. Nos habits dans le vent flottaient comme nous : perdus. Et dans la poussière des rues, on allait pieds nus. Dans nos mains, les pierres chaudes qu’on jetait au ciel, nous écorchaient les paumes, mais n’abîmaient qu’elles. Mais on n’a pas gardé rancune. On restait bien droit, le regard en l’air. Face à la lune qui éclaire nos infortunes, nos misères. A notre approche les gens s’enfuyaient devant nous. Ils croisaient dans nos yeux vifs une meute de loups. De ceux, tu sais, qui ont la fringale. Alors on a volé quelques sacs de toile qu’on s’est balancé sur l’épaule en bandoulière. On était fier : on aurait dit des voiles. Mais avant de partir, on a été mettre le feu à l’Hôtel de la Détresse pour lui faire nos adieux. Tandis que les braises et les cendres montaient dans les cieux, nous c’était les larmes qui nous brûlaient les yeux. On s’était bien fait avoir, il n’y a rien dans le ciel et les anges de la rue ont vite compris qu’ici c’est pareil et qu’il n’y a rien dans nos bras.
3 un autre jour (pourtant ça s’termine pareil) Pourtant on s’était pas trop trompé tous les deux. On avait bien regardé dans les yeux – Des autres. On y avait vu tout ce qu’on voulait pas. Nous on voulait un tout petit peu mieux que ça. Alors on avait pris l’habitude d’être heureux. Toujours un peu plus étonné qu’eux – Les autres. Mais on bossait comme des fous, on s’voyait plus que le soir. On parlait de partir, j’voulais aller voir les ours parce qu’ils se font de plus en plus rares. Cols relevés on jetait au feu et à la nuit nos baisers toujours un peu plus tard. Et puis un jour ça nous suffisait plus. Et puis un jour on a en eu vraiment raz-le-cul – Des autres. On a décidé que notre vie c’était pas ça. Qu’on se plierait pas, qu’on se ferait hors-la-loi. Alors on s’est procuré des armes à feu. Et puis on a bien étudié les lieux – Là où les autres s’en vont sagement déposer leur argent. Et à la tombée du soir on s’est braqué la banque. Mais à peine sorti, y avait des flics partout. On s’est jeté dans la bagnole et enfui dans le soir. Elle m’a dit : « t’es fou, on aurait mieux fait de se tordre le cou. » Je lui ai dit : « mon amour j’pouvais pas prévoir ». Reste encore un autre jour sur terre. On bousillait les trottoirs à fond en marche arrière. Dans le rétroviseur on voyait la route qui restait à faire. Et quand la balle m’a percé les artères. La vie s’en allait et je la laissais faire. Et tandis que ses bras me berçaient, moi j’entendais au loin sa voix qui me murmurait : « Reste encore un autre jour sur terre. Reste, viens, je t’emmènerai voir les ours bruns, les ours bleus et les polaires. Je t’emmènerai bouffer de la pluie, retrouver l’or enfoui dans l’eau froide des rivières. Je t’emmènerai te faire les cicatrices et les balafres des corsaires, mais m’laisse pas ici », tandis qu’étendu j’voyais ses larmes qui s’mêlaient à la poussière. « Reste ici. Je t’emmènerai où tout s’éclaire. Où tout s’éteint. Où tout est permis. Où tout reste à faire.»
4 à perte de vue Elle ne voit rien de ce qui vient. Elle est à fleur de peau. Et dans ses yeux ça brille un peu. Puis ça coule à flot. Aller voir ailleurs si ça fait peur. Mais aujourd’hui, moins peur qu’ici. Elle court toujours pour trois fois rien. C’est comme ça qu’elle est bien. Elle a les yeux qui brûlent un peu puis qui prennent feu. Aller voir ailleurs si ça fait peur. Mais aujourd’hui, moins peur qu’ici. Elle dit : « Non, non. Non, non, c’est pas pour moi. Tout ça, tout ça : c’est pas pour moi.» Elle dit aimer les ours, les louves. Se noyer de lune et d’eau. Elle a les yeux embués de bleu et encore chauds. Ses yeux sont doux dans le ciel d’août. La route tremble – belle et immense – qui lui ressemble sans l’ombre d’un doute.
5 cognac Allez viens nager dans l’eau claire. Se laisser emporter par la mer. Allez viens nager. Que je te reconnaisse. Nos têtes immergées, nettoyées. Je t’ai et je t’aime ainsi jetée à la mer. Le sable sous nos pieds et dans l’air les parfums de l’été. On en a les cœurs nets. Et les corps enlacés sous l’eau se reconnaissent. Nos têtes immergées, nettoyées. Je t’aime et je t’ai jetée à la mer.
6 sous le pont de la cité On ira regarder le soir s’allumer les lampes des boulevards. Je t’écouterai me raconter ta vie dans les bars jusqu’au bout de la nuit. On pourra regarder le ciel. Nos têtes en l’air, penser qu’on n’est pas pareil. Je veux t’entendre dire que tu renonceras pas. Nous on revient de loin, je compte sur toi. On ira encore ensemble voir la pluie tomber sur les landes. Quand plus personne ne voudra de nous. Quand les autres ne tiennent plus debout. Nous, nos têtes en arrière, le regard farouche et fier, on ira respirer le grand air. Ne bouge pas, reste encore comme ça. À l’air libre tout près de moi. Tu sens pas ta peau qui colle à la mienne ? Et ma peau tu sais, c’est tout ce que j’ai. Garde encore un peu dans le cœur le même air que t’avais tout à l’heure. Quand tu m’as dit : « je ne renoncerai pas. Nous on revient de loin, tu peux compter sur moi. » Même si ça fait un mal de chien, si d’autres encore nous briseront les reins. Quand nos vies seront sans dessus, dessous. Quand tout en nous sera à bout. Si on tient plus la distance, si en nous tout tremble et flanche, on ira prendre notre revanche.
7 je n’ai pas tué mon père (il s’est débrouillé tout seul) Il y avait ce qui nous opposait, ce qui entre nous se malmenait, se cognait et n’allait pas du tout. Nos vies qui s’éparpillaient aux quatre vents. Mais dans le fond peu nous importait car en fin de compte le monde allait toujours tourner indéfiniment. Quand soudain t’es parti et j’avais rien regardé. T’avais les yeux qui brillent et un point de côté on pouvait penser encore ensemble que rien n’allait nous réduire en cendres. Mais tu vois comme tes mains tremblent et comme tout ça n’a plus d’importance. Tandis que je buvais du ciel, tu faisais tes adieux. T’avais du plomb dans les ailes, moi l’or dans les yeux. Et tandis que tu tirais ta révérence, je m’avançais sur scène sans méfiance avec négligence. Puis sont venues les heures lourdes comme de bien entendu. Pleines de remords, de regrets de tout ce qu’on avait perdu. A croire qu’on s’était menti éperdument. Et que tout ça n’avait duré rien qu’un instant. Faut croire que le monde s’est arrêté finalement. Ne me dis pas qu’il n’y a pas au moins un banc où on pourrait aller s’asseoir, discuter un moment. Un chemin de forêt. Une rivière sans tous ces gens. On serait bien. Ca te plairait. Ah si seulement. Mais il faut croire que tout ça c’est fini et que c’est loin maintenant. Quand soudain t’es parti et j’avais rien regardé. T’avais les yeux qui brillent et un point de côté. On pouvait prendre le temps. Mais tu vois comme tes mains tremblent et comme tout ça n’a plus d’importance.
8 tout à regretter Regarde-toi. Qu’est-ce qu’on fera nous deux si un jour on n’en peut plus. Si tout s’en va. Tout ce qu’on a dans les yeux. Si plus rien ne brûle. Alors ajoute une petite bûche. Et regarde-toi. Qu’est-ce qu’on fera nous deux. Qu’est-ce qu’on fera, dis, si rien ne vient pour nourrir un peu nos joies, nos envies. Comme un feu qui s’éteint. Comme un feu qu’on oublie. J’ai rien regardé. J’ai tout à regretter du temps passé en ta présence. Et bientôt ton absence me brûlera comme un mort sur la conscience. Regarde-moi. Toujours le même combat : briller encore un peu. Mais que vienne l’orage et que viennent les éclairs. Qu’ils nous regardent de travers dans leurs grands feux de joie. Et éclaire-moi. Qu’est-ce qu’on fera nous deux de nos jours de nos nuits. Et peut-être qu’un soir, l’amour qu’on a dans les yeux s’en ira comme un feu qui s’éteint sous la pluie. Mais maintiens-le encore un peu. Parce que j’ai rien regardé. J’ai tout à regretter du temps passé en ta présence. Et bientôt ton absence me brûlera comme un mort sur la conscience. Nous on ira ronger la terre jusqu’à l’os. Et la bouffer toute crue j’ai faim. Et quand on aura fait ça, alors on pourra mourir comme un feu qui s’éteint laissé sous la pluie. Comme un feu qu’on oublie.
9 réservoir Et j’ai passé ici la journée dans l’épaisse poussière des rues. Le soleil a essayé de les brûler mais les cicatrices n’ont pas disparu. Les pensées me rongent. Taches et noires ombres qui dansent à tue-tête complètement ivres. Il ne fait pas encore sombre mais on y arrive. J’ai passé mon temps à faire comme je peux pour ne pas penser à elle. Mais ça me ronge comme un feu dont les flammes sont si cruelles et semblent bien être immortelles. Cette femme était si malsaine et folle que je n’en toucherai pas d’autres avant des années. Je ne suis plus à la recherche de rien dans les yeux de personne. Je me sens l’âme en lambeaux et le cœur scotché. Mais même le scotch a été trop usé. Et j’ai pleuré amer à même le sol, pensant : « je prends n’importe quoi pour tuer mes pensées. » Alors j’ai ouvert le livre blanc de mes mains molles et j’ai bouffé les mots les yeux bouffis et mal – les yeux bouffis et malmenés. J’ai lu là des heures durant. A m’en crever le cœur et le ventre. Mais tu vois quand un passant m’a jeté une pièce j’ai su qu’il était temps de s’en aller. J’ai l’air d’une bande d’ivrognes chancelants. Qui se querellent avec eux-mêmes. Une sorte de mendiant. Une bonne leçon pour avoir dit je t’aime. Mais je ne vais pas en rester là. Il reste de la route à faire. Je vais entrer dans un bar pour oublier les bonnes manières. Dans mes doigts brûle un cigare. Il règne ici une drôle d’atmosphère. Je regarde tous ces gars. Épaves humaines et traine-misères. Je m’approche du comptoir. La fille me dit qu’est-ce que je te sers. T’es pas du coin, toi. Pourquoi t’es là ce soir. J’lui dis j’avais vu de la lumière. Dans l’épaisseur de l’alcool il y a son parfum. Oh un air doux de presque rien. Son sourire ses yeux ses seins ses cuisses ses reins. De quoi vendre son âme au diable. Tout un festin. Mais après avec le diable tu lui appartiens. Et moi mon âme s’appelle reviens. Alors je lui lève mon verre. Je bois à elle et lui dit bonsoir. Et j’vais m’asseoir à l’autre bout de la terre. Bien, bien loin de son comptoir. Là un homme se dresse de tout son long. Les yeux pointus comme des clous. Défait son froc et pisse tout de bon. Les yeux mouillés la gorge en chant et le feu aux joues. Il a les dents comme cent chevaux dont on ne verrait plus que les os. Les ongles longs comme des vallons où poussent les sales feuillages et les ronces. Les mauvaises engeances et les vagabonds. Ses cheveux hirsutes sont peignés de vent. Dans chaque main un verre de bourbon. Il chante et met dans son chant ses heures de gloire bues par ses démons. Puis ce n’est plus qu’un cri. Un cri d’épées qui croisent le fer. A rebondir à fendre la nuit en un rire de métal. « Mon âme vit sa saison en enfer ! Tandis que mon cœur cueille les fleurs du mal ! Non ! Mon cœur sont les fleurs du mal ! » La fille qui est venue me resservir me dit, on sait pas trop si c’est un vampire ou un ange qui a échoué ici. J’lui dis c’est peut-être juste un homme. Pas mieux, pas pire. Je rejette un œil à l’assemblée. Tous puent, toussent, crachent et puent de plus belle. Suent l’alcool ingurgité. Allez, sus aux gorges brûlées des infidèles. Mais dans le coin là-bas il y a un autre qui ressemble à un soleil sans lumière. Une sorte d’astronaute qui fait son retour sur terre. Il a les épaules si épaisses qu’elles semblent se prolonger par temps de vent. La peau qui rouille car même l’air le blesse. Les yeux lunaires comme deux cratères blancs. Il baragouine dans sa barbe quelques sentences en prophète. Ses murmures me parviennent par bribes. Et viennent faire chanceler ce qui me restait de tête qui chavire et verse dans la tempête. Puis il me fixe de ses yeux de rien et dit : « Il n’y pas d’âme. Personne ne t’a détruit le cœur. Tu t’es débrouillé seul à le saccager comme un jardin où ne pousseront plus de fleurs.» Je ne sais pas trop ce qui m’a pris mais je suis resté encore longtemps parmi tous les maudits. De voir les autres qui ont mal tu sais c’est rassurant. Et puis à voir les morts on s’en sent vivant. Et ainsi j’ai passé ici la nuit dans l’épaisse chaleur de la fumée. L’alcool a essayé de les faire fuir mais les cicatrices se sont pas refermées. Les pensées me sont devenues de noirs frères qui dansent toujours. Toujours plus ivres. Il ne fait pas encore clair mais on y arrive.
ChiquitArmelle
30 septembre 2010 | 20:30
membre du jpcapdevielle.com, je viens de découvrir un lien vers votre blog et, belle surprise, je crois qu’on a découvert un vrai chanteur qui aime cet artiste au point de composer des chansons en son honneur! J’ai écouté « Sous le pont de la cité » qui fait bien référence au monde de JPC (y compris la musique) et je viens de lire le texte de « Sur les traces de Capdevielle » : on sent une vraie passion!… Est-il au courant de votre démarche? Peut-on lui faire savoir?
en tout cas vous avez mon soutien et certainement bientôt celui de tous les « anges du forum »… et pourquoi pas du maître lui-même?
on a hâte d’entendre votre album « LES ABANDONNES » et d’avoir de vos nouvelles, Jérôme!