Marc Décosterd, derrière sa caméra.
Les acteurs Virginie Meisterhans et Renaud Berger, ainsi que Marc Décosterd.
22 et 23 juin 2010…. Deux belles soirées sur le tournage du clip Gone Dark (B.O. du magnifique film de Marc Décosterd, intitulé Retourne-toi)…
Nous tournions au TMR à Montreux… merveilleuse salle de théâtre s’il en est…à l’ancienne…charmante….
Patrick Staub (le régisseur général) et Jacques Vassy (le coordinateur artistique) nous ont accueillis avec chaleur et bonne humeur et nous ont donné des leçons de professionnalisme et d’efficacité: A peine avions-nous le temps de dire « ça pourrait être bien un spot ici de côté, qu’est-ce que tu en dis Pa… » que déjà le spot était monté et réglé à la bonne intensité… Nous avions choisi une énoooorme tête de sanglier comme élément de décor, là aussi, Jacques nous l’a installée en deux temps trois mouvements alors que nous finissions de dire « si c’est un problème ou si c’est pas possible, tant p… » … Un vrai régal de travailler en compagnie de gens comme ça!…
Virginie Meisterhans et Renaud Berger, les deux personnages principaux du film Retourne-toi, nous ont rejoint pour interpréter sur scène un couple euh… disons plutôt mal en point…
Marc leur avait donné comme directions « il y a plusieurs étapes: d’abord c’est tout-va-bien-on-est-content-je-t’aime, ensuite c’est j’ai-un-truc-à-te-dire-pas-agréable-voilà-je-me-lance et enfin c’est la-violence-la-dispute-l’incompréhension-etc. »… De là, Virginie et Renaud (acteurs professionnels) sont partis en improvisation. Il y a eu quelques moments plutôt mémorables, voire d’anthologie, puisque Virginie, dans son impro, a décidé d’annoncer à Renaud (dans le clip l’homme avec qui elle vit) qu’elle tournait dans des films pornos et qu’elle aimait ça… Bref, on a passablement ri, mais aussi bien bossé… Il y a plusieurs plans dans lesquels je ne jouais pas et où j’ai pu admirer leur travail de comédiens et j’avoue sans honte que j’avais souvent des frissons le long des bras tant les moments de violence ont pu être intenses….
Puis, pendant l’été, Marc Décosterd s’est occupé du montage… Un boulot de grande qualité et un esthétisme très sobre et réussi… Il reste encore un peu de travail à faire, quelques petits détails à régler avant de pouvoir vous le faire découvrir très prochainement sur ce site!…..
PS: Pour plus d’infos sur le film, cliquez sur le lien WAKEUP!FILMS…
What’s the point. Elle aime s’faire belle.
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On the way, Mademoiselle.
[audio:http://www.jeromegiller.com/wp-content/uploads/2010/07/04-On-the-way-mademoiselle.mp3|titles=On the way, mademoiselle.](Pour les paroles, clique sur Lyrics)
Come Back 2me. Un jour elle pourra partir.
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(Paroles, musiques, arrangements : J. Giller)
1 What’s the point. Elle aime s’faire belle. She’s a painkiller. Cartoon lover. Looking under her pillow at nite. When I met her, she’d put her make-up. Oh her head was shining so bright. She’s a cheese eater. Money maker. When the week is over she loves getting high. When I met her, she’d put a t-shirt that was such a teaser. It brought out her eyes. What’s the point now, what’s the point? Looking, fucking looking. On all nite. Lollipopper. Lobster lover. She drank Dr Pepper but she prefers Sprite. When I met her, in her low cut trousers in Technicolor, careful she bites. Elle aime s’faire belle, elle aime s’faire. Elle met trois pulls à l’endroit. Elle n’en met pas plus de trois. Et le dernier à l’envers pour les coutures les revers. Le ventre long comme la mer. Elle aime ça quand on l’aperçoit. Les mecs regardent le grand jour dans ses beaux yeux de poupée en velours. Elle aime ça quand les gars l’aperçoivent. Elle a la tête qui cogne et ses amours fanfaronnent. Quand tu vois sa petite gueule d’amour tu pourrais y foutre le feu parce qu’elle a de la merde plein les yeux. Et elle confond tour à tour le nom de ses amoureux qu’elle a traînés dans son pieu. When he met her, she’d put her make-up. Oh her head was shining so bright.
2 Elle en a marre. Don’t. Elle en a marre. Elle se couche tard. Elle broie du noir. Elle prend du poids. Elle perd du poids. Elle fume le cigare. Elle s’épile pas. Elle en a marre. Assez rigolé, elle a passé une sale journée. Assez rigolé, elle est si, si lessivée. Assez rigolé, elle a passé une sale journée. Oh pourquoi tu pars, oh pourquoi tu pars. Elle en a marre. Elle cogne dans l’tas. Elle traîne les bars. Elle a l’cafard Assez rigolé, elle a passé une sale journée. Assez rigolé, elle est si, si lessivée. Assez rigolé, elle a passé une sale journée. Oh pourquoi tu pars, oh pourquoi tu pars. Don’t do this, don’t do that – Be a good girl, don’t be bad – Don’t do this, don’t do that – Don’t lose your head, don’t go mad. Elle en a marre. Elle en a marre. Elle en a sa claque. Elle en a marre. Faut pas déconner, elle a passé une sale journée. Faut pas déconner, elle est si, si lessivée. Faut pas déconner, elle a passé une sale journée. Oh pourquoi tu pars, oh pourquoi tu pars. Don’t do this, don’t do that – Be a good girl, don’t be bad – Don’t do this, don’t do that – Don’t lose your head, don’t go mad – Don’t do this, don’t do that – Be a good girl, don’t be bad – Don’t do this, don’t do that – Don’t do deeds that will make you sad – Don’t do this, don’t do that – Be a good girl, don’t be bad – Don’t do this, don’t do that – Be glad to have what you’ve had.
3 Come back to me. Un jour elle pourra partir. She’s been a-travelling the seven seas on her boat. She owns her own plane and her own horse. She’s got used to be fed on little white lies. Yet when dusk comes she still cries: “come back to me, my love”. Come back to me. She’s been a-reading Hemmingway a lot. She knows a few pages by heart. She’s said to be a beauty, to be witty and bright. Yet when dusk comes, she’s still cried: “come back to me, my love”. Come back to me. Un jour, elle pourra partir. My love. Un jour, elle pourra partir. Come back to me. She married a nice guy, good-looking and sweet. She’s been standing strong on her feet. She’s been a-lulling her new born child to sleep. Yet late at nite she still weeps. Et encore tu vois, elle a pas tout vu. De pastilles en pilules, elle a pas tout prévu. C’est quoi cet épais brouillard, c’est quoi cet épais brouillard. Qui la bouffe chaque soir, lui prend la tête, lui fait sa fête, la reprend, la jette, la retourne comme une crêpe. On a jamais su, on a jamais su. Dieu sait ce qu’elle est devenue, on l’a jamais revue.
4 On The Way, Mademoiselle. She got home and phoned me. She got lonely, broken-hearted. She’s got many worries. She got fucked and talks about it. She’s got such sad stories. She’s gonna get it how she wanted. She gone to the movies. She said she loved it cause it’s lovely. She got home and phoned me. She got lonely, broken-hearted. On the way. On the way. She’s lots of noise when she screams. She feels better when she’s done it. Mademoiselle a d’l’ennui. Elle lit au lit des magazines. She’s throwing a party, mademoiselle is turning forty. Mademoiselle s’épanouit, milite pour les femmes, les famines. She gone to the movies. On the way mademoiselle. Elle dit qu’il est bête, qu’il est bête comme ses pieds. Si tu dis qu’elle est pas chouette, alors elle te répond que pourtant c’est un fait, car mon dieu qu’il est con. Elle n’en fait qu’à sa tête, défend les sans-papiers. Car elle a ses idées, c’est une femme engagée. Elle est contre la guerre, pour la liberté d’expression. Il faut pas la charrier, oui, elle a ses opinions. Elle est fille d’immigrés, elle connaît la question.
5 Va te faire voir, Marilyn. Of all her worries. Elle s’accroche aux petites choses, elle lit des bios de Marilyn Monroe. Mais elle l’aime pas trop, elle préfère Brigitte Bardot. Au matin elle a tout mélangé, elle sait plus si ce qu’elle a lu lui est vraiment arrivé. Ouais, c’est un peu embrouillé dans sa petite tête usée. Elle arrive pas à dormir. Elle relève jamais son courrier, elle dit que ça lui fait juste trop chier. Le soir, elle Prévert et s’resserre un verre. Elle ramène un mec pour la nuit, elle s’démaquille, il s’est endormi. Ouais quelle drôle d’idée, elle voulait prendre son pied. Elle arrive pas à dormir. Elle voudrait savoir si elle aime ça ou elle aime ci. Elle voudrait comme copine les filles dans les magasines. Elle voudrait voir comment ouais ouais ouais être dans le vent. Elle voudrait être Jeanne Moreau, rencontrer les Rolling Stones. Elle voudrait tout dehors, tout dehors et rien dedans. Elle voudrait un beau gosse avec qui elle pourrait lalalala. Elle voudrait qu’ça vienne, ouais, ouais, ouais elle attend qu’ça. Elle voudrait en redemander, elle adore faire son cinéma. Elle voudrait s’écrier « Vive la violence ! » Elle voudrait faire la folle, voir une fiesta espagnole. Elle voudrait tout refaire, ouais tout envoyer en l’air. She tries to sleep, she reads bedtime stories. She clears her head of all her worries.
6 Garçon manqué. Let’s go. Elle a pour habitude d’aller au café au coin de la rue et d’y rester un très très long moment. Elle est un peu tête en l’air, elle regarde jamais en arrière, elle aime bien prendre son temps. Elle fait garçon manqué avec ses cheveux coupés courts, ses jeans usés et sa vieille paire de baskets démodées. Dans ses poches, il y a pas un sou, elle peine à joindre les deux bouts pour payer ses livres à l’université. Y a plein d’garçons qui l’aiment bien, qui lui font leur baratin. Ouais qui s’donnent un mal de chien, mais pour eux c’est tintin, elle n’en f’ra rien. Y a plein d’vieux beaux qui l’aiment bien, qui l’emmèneraient manger indien. Qui lui font du grain chaque matin, mais z’ont beau faire leur malin. Elle n’en f’ra rien. Dans son appart mal rangé, il y a des piles de bouquins, de CDs, de photos d’elle en vacances en été. Aux murs il y a Jean-Pierre Léo, Luchini et Jeanne Moreau, Romi et Piccoli sur un vélo. Y a Dutronc et Belmondo, Brel et Brassens sur la même photo, Charles mort ou vif au-dessus d’un Picasso. Y a un coin à côté de l’évier, où elle s’assied pour fumer en posant ses pieds sur la machine à laver. Y a des jours, elle voudrait bien avoir un joli jardin avec des poules, des lapins. Un vieil âne qui mangerait du foin, mais elle n’en f’ra rien. Y a des jours, elle voudrait bien sauter dans n’importe quel train. Se barrer pour aller très loin, Madrid, Moscou ou Berlin, mais elle n’en f’ra rien. She has many foreign friends who live in many foreign lands. She spends nights with them on the phone, the phone. One of them owns an old Renault, she’s a big fan of François Truffaut. When one of his movies is on she screams let’s go, let’s go. One of them owns a Lamborghini, she’s a big fan of Fellini. When one of his movies is on she screams let’s go, go, go. One of them is Jean-Luc Godard and he’s got no fucking car. When one of his movies is on he screams let’s go, let’s go. One of them is Jessie James, she’s got kids and a loving man. And she’s a-willing to break the law, the law, the law. Peut-être qu’un jour ça n’ira pas bien, qu’elle chopera un sale machin. Un cancer de la peau ou du sein. Elle sait que pour tout l’monde c’est l’même refrain. Ça lui fout l’chagrin.
7 She’s been waiting. Du sang à ses colliers. She’s been waiting, I’ve been told but she’s not been growing old. She’s a hundred but looks twenty. At ten to five she has tea. At ten to nine she has beer. At ten to ten she’s whisky. She’s been waiting, that’s all. She’s been waiting, I’ve been told, she’s been living on her own. She’s been called wicked by kids. She’s been called names because she’s hid. She locked her heart in a box and threw the key to the dogs. She’s been waiting, that’s all. She’s been waiting, I’ve been told. Under her mattress lays her gold. She’s been lurking in the woods. She’s not liked in the neighbourhood. She’s been lurking in the dark. She cries the same way dogs bark. She’s been waiting, that’s all. She’s been waiting, I’ve been told. While she waited she took hold of a baseball bat and then. She smacked them kids in the head. The flesh ripped from the skulls she cooked. She sucked them bones while no one looked. She’s been waiting, that’s all. Elle lave ses mains et l’eau se teinte du rouge sang des innocents. Elle lave les dents qu’elles soient bien blanches. Prend ses vêtements qu’elle jette au feu. La voilà nue, resplendissante. Ses longs cheveux couleur de flamme. Semblent lui fendre la peau comme des lames. De chair et d’os, la voilà femme. Nonchalamment, elle traverse la pièce. Ouvre la cage de son serpent. Lui embrasse les yeux et puis le prend. Le voilà qui danse entre ses hanches. Le voilà qui lèche la belle peau blanche. Qui frémit et tremble sous sa longue langue. Son rire s’envole sous les étoiles Que la nuit affole soûlée de Mal. C’est une danse de tous les diables. Un fruit délectable, une pluie de sueur dans un flot de vapeur. Sous son souffle languissant. En un instant le serpent ivre se fend, s’allonge et se change en cent amants. Souveraine elle a l’embarras du choix. Et il y a du sang à ses colliers, il y a du sang à ses colliers. Qui comme autant de larmes coulent à ses pieds.
8 The boxer #2. La boxeuse. She’s been travelling the world and moving on. She’s been hanging in there, girl, for too long. She’s been boxing hard their heads until they fell apart. She’s been everywhere, headstrong and tall. Been everywhere and she won them all. Elle a pour seul repaire l’horloge du vestiaire où les heures défilent. Et la peur au bide qui la submerge un instant comme lorsqu’elle avait 15 ans. Elle croit revoir son père et les regards austers et les paroles hostiles du vieil imbécile. « Ma fille abattra un à un les géants comme une héroïne de roman. » Elle n’a pas qu’ça à faire, faut tâcher d’y voir clair, tenter d’faire le vide, de rester lucide. Tandis qu’on l’enduit d’onguents, qu’on lui resserre les liens des gants. Puis : dans les couloirs verts derrière son adversaire. Puis : foule en furie, portraits à son effigie, les odeurs, la chaleur, les gens. La tête lui tourne mais elle se reprend. Elle monte sur le ring. Elle monte sur le ring, elle a les yeux qui brillent. She’s been boxing hard their heads until they fell apart.
9 Gros cul. Elle revient de loin. Elle a pas bien vécu. Elle revient de loin. Elle a un peu trop bu. Elle revient de loin. Elle a pas bien vécu. Elle revient de loin. Elle dit qu’elle en peut plus. She don’t know anything. She don’t know. She don’t know anything. She don’t. Elle revient de loin. Elle a pas bien vécu. Elle revient de loin. Elle sait plus ce qu’elle a vu. Elle revient de loin. Elle a pas bien vécu. Elle revient de loin. Elle dit qu’elle a un gros cul.
(Paroles, musiques et arrangements: J.Giller)
1 la tête aux murs On pourrait continuer à rêver d’autres aventures. Continuer à vivre les yeux fermés. A ignorer les blessures. Mais pourtant à la nuit tombée à la lueur des phares l’envie soudaine de s’en aller. S’en remettre au hasard. Pour partir à l’inconnu et traverser les routes noires. Boire à s’en soûler. Boire à s’en brûler l’âme. Faire payer sa dette à la nuit. Ce qu’elle nous a promis. Aller voler des voitures et puis ne plus jamais s’endormir. Oh assez de sentiments bons. Renverser les avions. Donnez-moi du diable et les cornes des démons. Pulls marines en laine le froid dans nos vestes et le vent. La pluie qui s’abat sur toi. L’horizon droit devant. Un jeans usé pour porte-bonheur. Faire briller l’arrogance. La paix dans l’âme et le cœur qui bat la cadence. La tête la première refuser que tout s’achète. Mettre nos peaux aux enchères et nos cœurs au net. Abonnés aux abandons aller brûler nos dernières chances. Malgré le froid la sueur au front fait briller notre arrogance. Fou à lier. Balancer les armures. Se cogner la tête aux murs. Donnez-moi du diable et les cornes des démons. Bientôt on n’en pourra plus. Reste encore d’autres routes. Toujours garder un peu plus les mêmes ombres les mêmes doutes. Qui mettent le cœur en larmes et le brisent au passage. Qui donnent envie des flammes et donnent envie de n’être pas sage.
2 sur les traces de capdevielle On avait bien regardé le jour qui s’en allait. On voulait s’approcher un peu plus des falaises. Il y avait qu’ça pour nous. On avait bien maudit les voiles qui partaient, on leur jetait des sorts, toujours plus seuls depuis l’quai, il y avait qu’ça en nous. Alors quand elles sont venues nous bouffer de tendresse, qu’elles demandaient qu’on les emmène loin de l’Hôtel de la Détresse, on avait le regard un peu vide parfois. On pleurait même un peu quand ça s’voyait pas. Mais nous, on y a cru, on a cru voir le ciel et les anges de la rue, descendues sur notre terre pour nous prendre dans leurs bras. Elles avaient dans les yeux des couleurs et les jambes aussi belles que des voiles qui se tendent au soleil. Encore, on en demandait encore, ça nous rendait fou. On allait faire l’amour sur les vieilles tombes en pierre et parfois au matin en s’réveillant dans l’ cimetière parmi les morts on se sentait un peu chez nous. Nos baraques s’effritaient et tombaient en lambeaux comme nos bonnes volontés et la peau sur nos os. Nos habits dans le vent flottaient comme nous : perdus. Et dans la poussière des rues, on allait pieds nus. Dans nos mains, les pierres chaudes qu’on jetait au ciel, nous écorchaient les paumes, mais n’abîmaient qu’elles. Mais on n’a pas gardé rancune. On restait bien droit, le regard en l’air. Face à la lune qui éclaire nos infortunes, nos misères. A notre approche les gens s’enfuyaient devant nous. Ils croisaient dans nos yeux vifs une meute de loups. De ceux, tu sais, qui ont la fringale. Alors on a volé quelques sacs de toile qu’on s’est balancé sur l’épaule en bandoulière. On était fier : on aurait dit des voiles. Mais avant de partir, on a été mettre le feu à l’Hôtel de la Détresse pour lui faire nos adieux. Tandis que les braises et les cendres montaient dans les cieux, nous c’était les larmes qui nous brûlaient les yeux. On s’était bien fait avoir, il n’y a rien dans le ciel et les anges de la rue ont vite compris qu’ici c’est pareil et qu’il n’y a rien dans nos bras.
3 un autre jour (pourtant ça s’termine pareil) Pourtant on s’était pas trop trompé tous les deux. On avait bien regardé dans les yeux – Des autres. On y avait vu tout ce qu’on voulait pas. Nous on voulait un tout petit peu mieux que ça. Alors on avait pris l’habitude d’être heureux. Toujours un peu plus étonné qu’eux – Les autres. Mais on bossait comme des fous, on s’voyait plus que le soir. On parlait de partir, j’voulais aller voir les ours parce qu’ils se font de plus en plus rares. Cols relevés on jetait au feu et à la nuit nos baisers toujours un peu plus tard. Et puis un jour ça nous suffisait plus. Et puis un jour on a en eu vraiment raz-le-cul – Des autres. On a décidé que notre vie c’était pas ça. Qu’on se plierait pas, qu’on se ferait hors-la-loi. Alors on s’est procuré des armes à feu. Et puis on a bien étudié les lieux – Là où les autres s’en vont sagement déposer leur argent. Et à la tombée du soir on s’est braqué la banque. Mais à peine sorti, y avait des flics partout. On s’est jeté dans la bagnole et enfui dans le soir. Elle m’a dit : « t’es fou, on aurait mieux fait de se tordre le cou. » Je lui ai dit : « mon amour j’pouvais pas prévoir ». Reste encore un autre jour sur terre. On bousillait les trottoirs à fond en marche arrière. Dans le rétroviseur on voyait la route qui restait à faire. Et quand la balle m’a percé les artères. La vie s’en allait et je la laissais faire. Et tandis que ses bras me berçaient, moi j’entendais au loin sa voix qui me murmurait : « Reste encore un autre jour sur terre. Reste, viens, je t’emmènerai voir les ours bruns, les ours bleus et les polaires. Je t’emmènerai bouffer de la pluie, retrouver l’or enfoui dans l’eau froide des rivières. Je t’emmènerai te faire les cicatrices et les balafres des corsaires, mais m’laisse pas ici », tandis qu’étendu j’voyais ses larmes qui s’mêlaient à la poussière. « Reste ici. Je t’emmènerai où tout s’éclaire. Où tout s’éteint. Où tout est permis. Où tout reste à faire.»
4 à perte de vue Elle ne voit rien de ce qui vient. Elle est à fleur de peau. Et dans ses yeux ça brille un peu. Puis ça coule à flot. Aller voir ailleurs si ça fait peur. Mais aujourd’hui, moins peur qu’ici. Elle court toujours pour trois fois rien. C’est comme ça qu’elle est bien. Elle a les yeux qui brûlent un peu puis qui prennent feu. Aller voir ailleurs si ça fait peur. Mais aujourd’hui, moins peur qu’ici. Elle dit : « Non, non. Non, non, c’est pas pour moi. Tout ça, tout ça : c’est pas pour moi.» Elle dit aimer les ours, les louves. Se noyer de lune et d’eau. Elle a les yeux embués de bleu et encore chauds. Ses yeux sont doux dans le ciel d’août. La route tremble – belle et immense – qui lui ressemble sans l’ombre d’un doute.
5 cognac Allez viens nager dans l’eau claire. Se laisser emporter par la mer. Allez viens nager. Que je te reconnaisse. Nos têtes immergées, nettoyées. Je t’ai et je t’aime ainsi jetée à la mer. Le sable sous nos pieds et dans l’air les parfums de l’été. On en a les cœurs nets. Et les corps enlacés sous l’eau se reconnaissent. Nos têtes immergées, nettoyées. Je t’aime et je t’ai jetée à la mer.
6 sous le pont de la cité On ira regarder le soir s’allumer les lampes des boulevards. Je t’écouterai me raconter ta vie dans les bars jusqu’au bout de la nuit. On pourra regarder le ciel. Nos têtes en l’air, penser qu’on n’est pas pareil. Je veux t’entendre dire que tu renonceras pas. Nous on revient de loin, je compte sur toi. On ira encore ensemble voir la pluie tomber sur les landes. Quand plus personne ne voudra de nous. Quand les autres ne tiennent plus debout. Nous, nos têtes en arrière, le regard farouche et fier, on ira respirer le grand air. Ne bouge pas, reste encore comme ça. À l’air libre tout près de moi. Tu sens pas ta peau qui colle à la mienne ? Et ma peau tu sais, c’est tout ce que j’ai. Garde encore un peu dans le cœur le même air que t’avais tout à l’heure. Quand tu m’as dit : « je ne renoncerai pas. Nous on revient de loin, tu peux compter sur moi. » Même si ça fait un mal de chien, si d’autres encore nous briseront les reins. Quand nos vies seront sans dessus, dessous. Quand tout en nous sera à bout. Si on tient plus la distance, si en nous tout tremble et flanche, on ira prendre notre revanche.
7 je n’ai pas tué mon père (il s’est débrouillé tout seul) Il y avait ce qui nous opposait, ce qui entre nous se malmenait, se cognait et n’allait pas du tout. Nos vies qui s’éparpillaient aux quatre vents. Mais dans le fond peu nous importait car en fin de compte le monde allait toujours tourner indéfiniment. Quand soudain t’es parti et j’avais rien regardé. T’avais les yeux qui brillent et un point de côté on pouvait penser encore ensemble que rien n’allait nous réduire en cendres. Mais tu vois comme tes mains tremblent et comme tout ça n’a plus d’importance. Tandis que je buvais du ciel, tu faisais tes adieux. T’avais du plomb dans les ailes, moi l’or dans les yeux. Et tandis que tu tirais ta révérence, je m’avançais sur scène sans méfiance avec négligence. Puis sont venues les heures lourdes comme de bien entendu. Pleines de remords, de regrets de tout ce qu’on avait perdu. A croire qu’on s’était menti éperdument. Et que tout ça n’avait duré rien qu’un instant. Faut croire que le monde s’est arrêté finalement. Ne me dis pas qu’il n’y a pas au moins un banc où on pourrait aller s’asseoir, discuter un moment. Un chemin de forêt. Une rivière sans tous ces gens. On serait bien. Ca te plairait. Ah si seulement. Mais il faut croire que tout ça c’est fini et que c’est loin maintenant. Quand soudain t’es parti et j’avais rien regardé. T’avais les yeux qui brillent et un point de côté. On pouvait prendre le temps. Mais tu vois comme tes mains tremblent et comme tout ça n’a plus d’importance.
8 tout à regretter Regarde-toi. Qu’est-ce qu’on fera nous deux si un jour on n’en peut plus. Si tout s’en va. Tout ce qu’on a dans les yeux. Si plus rien ne brûle. Alors ajoute une petite bûche. Et regarde-toi. Qu’est-ce qu’on fera nous deux. Qu’est-ce qu’on fera, dis, si rien ne vient pour nourrir un peu nos joies, nos envies. Comme un feu qui s’éteint. Comme un feu qu’on oublie. J’ai rien regardé. J’ai tout à regretter du temps passé en ta présence. Et bientôt ton absence me brûlera comme un mort sur la conscience. Regarde-moi. Toujours le même combat : briller encore un peu. Mais que vienne l’orage et que viennent les éclairs. Qu’ils nous regardent de travers dans leurs grands feux de joie. Et éclaire-moi. Qu’est-ce qu’on fera nous deux de nos jours de nos nuits. Et peut-être qu’un soir, l’amour qu’on a dans les yeux s’en ira comme un feu qui s’éteint sous la pluie. Mais maintiens-le encore un peu. Parce que j’ai rien regardé. J’ai tout à regretter du temps passé en ta présence. Et bientôt ton absence me brûlera comme un mort sur la conscience. Nous on ira ronger la terre jusqu’à l’os. Et la bouffer toute crue j’ai faim. Et quand on aura fait ça, alors on pourra mourir comme un feu qui s’éteint laissé sous la pluie. Comme un feu qu’on oublie.
9 réservoir Et j’ai passé ici la journée dans l’épaisse poussière des rues. Le soleil a essayé de les brûler mais les cicatrices n’ont pas disparu. Les pensées me rongent. Taches et noires ombres qui dansent à tue-tête complètement ivres. Il ne fait pas encore sombre mais on y arrive. J’ai passé mon temps à faire comme je peux pour ne pas penser à elle. Mais ça me ronge comme un feu dont les flammes sont si cruelles et semblent bien être immortelles. Cette femme était si malsaine et folle que je n’en toucherai pas d’autres avant des années. Je ne suis plus à la recherche de rien dans les yeux de personne. Je me sens l’âme en lambeaux et le cœur scotché. Mais même le scotch a été trop usé. Et j’ai pleuré amer à même le sol, pensant : « je prends n’importe quoi pour tuer mes pensées. » Alors j’ai ouvert le livre blanc de mes mains molles et j’ai bouffé les mots les yeux bouffis et mal – les yeux bouffis et malmenés. J’ai lu là des heures durant. A m’en crever le cœur et le ventre. Mais tu vois quand un passant m’a jeté une pièce j’ai su qu’il était temps de s’en aller. J’ai l’air d’une bande d’ivrognes chancelants. Qui se querellent avec eux-mêmes. Une sorte de mendiant. Une bonne leçon pour avoir dit je t’aime. Mais je ne vais pas en rester là. Il reste de la route à faire. Je vais entrer dans un bar pour oublier les bonnes manières. Dans mes doigts brûle un cigare. Il règne ici une drôle d’atmosphère. Je regarde tous ces gars. Épaves humaines et traine-misères. Je m’approche du comptoir. La fille me dit qu’est-ce que je te sers. T’es pas du coin, toi. Pourquoi t’es là ce soir. J’lui dis j’avais vu de la lumière. Dans l’épaisseur de l’alcool il y a son parfum. Oh un air doux de presque rien. Son sourire ses yeux ses seins ses cuisses ses reins. De quoi vendre son âme au diable. Tout un festin. Mais après avec le diable tu lui appartiens. Et moi mon âme s’appelle reviens. Alors je lui lève mon verre. Je bois à elle et lui dit bonsoir. Et j’vais m’asseoir à l’autre bout de la terre. Bien, bien loin de son comptoir. Là un homme se dresse de tout son long. Les yeux pointus comme des clous. Défait son froc et pisse tout de bon. Les yeux mouillés la gorge en chant et le feu aux joues. Il a les dents comme cent chevaux dont on ne verrait plus que les os. Les ongles longs comme des vallons où poussent les sales feuillages et les ronces. Les mauvaises engeances et les vagabonds. Ses cheveux hirsutes sont peignés de vent. Dans chaque main un verre de bourbon. Il chante et met dans son chant ses heures de gloire bues par ses démons. Puis ce n’est plus qu’un cri. Un cri d’épées qui croisent le fer. A rebondir à fendre la nuit en un rire de métal. « Mon âme vit sa saison en enfer ! Tandis que mon cœur cueille les fleurs du mal ! Non ! Mon cœur sont les fleurs du mal ! » La fille qui est venue me resservir me dit, on sait pas trop si c’est un vampire ou un ange qui a échoué ici. J’lui dis c’est peut-être juste un homme. Pas mieux, pas pire. Je rejette un œil à l’assemblée. Tous puent, toussent, crachent et puent de plus belle. Suent l’alcool ingurgité. Allez, sus aux gorges brûlées des infidèles. Mais dans le coin là-bas il y a un autre qui ressemble à un soleil sans lumière. Une sorte d’astronaute qui fait son retour sur terre. Il a les épaules si épaisses qu’elles semblent se prolonger par temps de vent. La peau qui rouille car même l’air le blesse. Les yeux lunaires comme deux cratères blancs. Il baragouine dans sa barbe quelques sentences en prophète. Ses murmures me parviennent par bribes. Et viennent faire chanceler ce qui me restait de tête qui chavire et verse dans la tempête. Puis il me fixe de ses yeux de rien et dit : « Il n’y pas d’âme. Personne ne t’a détruit le cœur. Tu t’es débrouillé seul à le saccager comme un jardin où ne pousseront plus de fleurs.» Je ne sais pas trop ce qui m’a pris mais je suis resté encore longtemps parmi tous les maudits. De voir les autres qui ont mal tu sais c’est rassurant. Et puis à voir les morts on s’en sent vivant. Et ainsi j’ai passé ici la nuit dans l’épaisse chaleur de la fumée. L’alcool a essayé de les faire fuir mais les cicatrices se sont pas refermées. Les pensées me sont devenues de noirs frères qui dansent toujours. Toujours plus ivres. Il ne fait pas encore clair mais on y arrive.